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Le Pacifique sauvage, une grande claque

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Le Canada pour moi c’est la grande nature, la vraie, la sauvage, la dangereuse. Direction donc Vancouver Island pour voir de quoi il en retourne.

L’ile de Vancouver

Road Trip à Vancouver Island

Vancouver Island, c’est cette grande bande de terre qui protège Vancouver des caprices du Pacifique, à peu près aussi grande que la Belgique. La plupart des habitants sont localisés dans le Sud de l’ile, principalement autour de Victoria, la capitale. Cette dernière est connue pour sa douceur de vivre, son charme de petite ville anglaise et pour la propension qu’ont les chefs du coin de privilégier les produits locaus dans leurs assiettes.

Ce qui m’a surtout frappé pour ma part, c’est la vue depuis l’extrémité Sud de l’ile qui donne directement sur les montagnes de la Péninsule Olympique, juste en face, aux Etats Unis. A ma descente du bus, je trouve par hasard le chemin de Beacon Hill, un petit parc à l’extrémité de l’ile. Là, un spectagle grandiose s’offre à moi: une chaine de montagnes émergeant du brouillard, nimbée d’une lumière bleue arctique impressionnante. Ajoutez à cela deux baleines à bosse nageant négligeamment à une centaine de mètre de la cote et le passage de deux orques au loin, et vous pouvez imaginer l’impression sauvage que le paysage a eu sur moi.

Vue sur la péninsule Olympique depuis Beacon Hill à Victoria, BC

Vue sur la péninsule Olympique depuis Beacon Hill à Victoria, BC

Coucher de soleil, plage de galet et troncs d'arbre sculptés par la mer

Coucher de soleil, plage de galet et troncs d’arbre sculptés par la mer

Lunaire ...

Paysage minéral

La ville en elle meme ne me laisse pas un souvenir impérissable. Dormant en auberge de jeunesse et passant la journée dehors avec mon sac à dos, ce sont les SDFs que je rencontrent le plus. Le temps plus agréable qu’ailleurs et la présence de nombreux touristes les attirent apparement plus qu’ailleurs. Il semble d’ailleurs qu’à Victoria, leur organisation soit particulièrement sophistiquée: les zones de chacun sont bien délimitées, les anciens tunnels et autres conduites souterraines leur servent d’abris, et une certaine entraide semble prendre le pas sur la loi de la rue. Reste que le trafic de drogue est l’activité économique principale comme me le raconte plusieurs sans-abris, qui enchainent sur l’histoire de leurs vies et de leur quartier, une fois qu’ils ont tentés de me vendre de la marijuana (dont la possession et la consommation sont autorisées ici mais ni la vente ni l’achat … ).

En remontant en voiture la cote Est de l’ile, je reste encore sur ma faim: je continue à trouver un espace très urbanisé, les malls succcèdent aux habitations pour retraités et la multitude d’hotels et d’installations pour les vacanciers en été. Le coté sauvage que l’on m’a tant vanté me semble ici relever de l’argument marketing pour citadin nord américain habitué à un certain niveau de confort, les arbres et les animaux restant là avant tout pour la décoration …

Itinéraire: de Victoria à Cumberland sur la rive Est puis traversée de l'ile jusqu'à Tofino

Itinéraire: de Victoria à Cumberland sur la rive Est puis traversée de l’ile jusqu’à Tofino

Il faut que je dépasse Parksville, au tiers de l’ile, pour que je commence à rentrer dans le vif du sujet. Sur mon chemin, je trouve des petites communautés en bord de mer, des anciennes villes minières chargés d’histoire, des ports de peches célèbres pour leurs huitres et leurs saumons, et une multitude d’iles à quelques encamblures de la cote ou les objecteurs de conscience à la guerre du Vietnam sont venus s’installer pour échapper à la conscription. On sent la ruguesse des éléments prendre le pas sur les entreprises humaines. L’ame véritable de Victoria Island est là, plus très loin.

Les choses sérieuses commencent réellement si l’on se donne la peine de poursuivre plus au Nord ou si l’on traverse l’ile pour rejoindre sa rive occidentale. Pour ma part, j’ai opté pour la traversée de l’ile, qui se fait sur l’une des rares highway est-ouest de l’ile, la I-4. Dès les premiers kilomètres, la route s’entortille autour des massifs montagneux qui se révèlent peu à peu, le vent souffle fort lorsque les nuages du Pacifique s’amoncellent sur les sommets, et les percées donnant sur les lacs d’altitude sont saisissants. A l’exception d’un furoncle (Port Alberni), la route traverse des paysages naturels à couper le souffle.

Sur la route de Tofino

Sur la route de Tofino

Sur la route de Tofino

Sur la route de Tofino

En arrivant de l’autre coté de l’ile, on tombe sur Ucluelet avec ses cotes déchiquetées qui rappellent les cotes de Bretagne Nord. Spot ultime pour les storm-watchers lors des monstrueuses tempetes d’hiver, on goute déjà à la puissance des éléments lors du moindre orage. Il pleut souvent, mais lorsque le ciel est de la partie, la cote devient splendide.

Ucluelet

Ucluelet sous la pluie

Coucher de soleil face au Pacifique Nord

Coucher de soleil face au Pacifique Nord

Comme un parfum d'éternité

Comme un parfum d’éternité

En poussant plus loin, on traverse le National Parc Pacific Rim et ses longues plages encombrées de troncs délavées par l’océan, repères des surfers qui viennent ici gouter à l’un des meilleurs spots au monde. Il faut avoir du courage, car l’eau est continuellement à 16 degrés, été comme hiver. La beauté des lieux et de l’expérience est à ce prix.

Un grand trip mystique

Plus loin, c’est Tofino, destination du voyage, centre important pour l’industrie sylvicole et une destination de plus en plus envahies par les touristes (comme moi). En plein milieu du Clayoquot Sound, se sont des multitudes d’iles qui s’entremellent. Il faut s’imaginer que jusque dans les années 50, on ne pouvait accéder à cette bourgade que par une route en planches de bois (la route a été goudronnée en 1972). Dans toute la région l’arbre est roi, le moindre metre carré est couvert d’arbres immenses, majestueux, centenaires.

Kayaking sur Clayoquot sound

Kayaking sur Clayoquot sound

Se promener dans la foret ou faire du kayak dans le “Sound”, c’est comme plonger dans un conte pour enfants, se prendre pour Bilbot le Hobbit poursuivi par des trolls, s’attendre à voir débarquer des nains en vadrouille à la prochaine intersection, et un magicien pret à débouler de derrière un arbre. C’est un voyage intérieur aussi: un voyage vers une certaine beauté primaire où l’homme redevient un élément non indispensable, un animal comme un autre (l’ours noir, le loup et le cougar sont là tout autour de vous), où l’on se sent bien petit face à ces ancètres qui ont commencé leur croissance alors que Guillaume le Conquérant envahissait l’Angleterre, où l’on remet en question son espèce et nous-meme sur la valeur de nos buts et la justesse de nos actions et comportements. C’est un lieu où les questions existentielles redeviennent centrales. Un des lieux s’appelle d’ailleurs Cathedral Grove au centre de l’ile. On entre dans ce cénacle comme dans une église, tellement les arbres sont grands et majestueux. Ils semblent étrangement familiers aussi, accueillants et bienveillants. Un peu comme des amis que l’on aurait pas vu depuis un petit moment, et que l’on est content de retrouver. L’animisme des premières nations semblent ici plus appropriés, en lieu et place de nos philosophies et religions matérialistes.

Foret mythique et mystérieuse

Foret mythique et mystérieuse

Lorsque les forets sont très anciennes, on trouve de la mousse jusque sur les branches

Lorsque les forets sont très anciennes, on trouve de la mousse jusque sur les branches

On se sent petit, petit, petit, ...

On se sent petit, petit, petit, …

Au delà de la simple image, de la simple photographie d’une verdure infinie, cette foret est aussi un magnifique film millénaire sur l’humilité, l’espoir et la sagesse. Dans cette unique foret humide boréale, on devient le témoin de l’histoire sans cesse répétée d’une symbiose parfaite entre faune et flore, ciel et terre. La vie ici est une lutte raisonnée, un judo permanent des petits pour bénéficier des faiblesses des grands, un jeu dans lequel chacun a une place et un role évolutif mais stable.

Lorsque l’un de ces géants s’abat au sol au terme de sa vie, il est le terreau et le début d’une grande aventure pour tous les autres organismes. C’est dans des endroits comme celui là que l’on comprends mieux la nécessité de limiter l’impact des activités humaines pour bouleverser au minimum ces équilibres. L’histoire que j’ai trouvé la plus incroyable, c’est histoire de l’azote d’origine maritime qui se retrouve dans les cellules des arbres: les cadavres des poissons (principalement le saumon) abandonnés par les ours et loups de la région après en avoir dégusté les meilleurs morceaux, en se décomposant, libèrent un isotope d’azote particulièrement efficace pour la croissance des arbres.

Les indiens et la foret

J’aime bien la facon qu’on les indiens de voir le monde. Ils se sont batis une mythologie du pratique non dénué d’un certain humour. Dans cette mythologie, le cèdre occupe notamment une place centrale. Il est l’Arbre de Vie, essentiel pour s’habiller, se nourrir, construire ses habitations et ses embarcations, compte tenu notamment de son caractère imputrescible (bien pratique si l’on veut construire un canoe …). Il est d’ailleurs impressionant de voir que la plupart des chemins de randonnée se parcourent sur des passerelles en bois de cèdre, certaines portions étant là depuis plus de 40 ans, encore intactes.

L’histoire de la naissance du cèdre est assez révélatrice de la place du cèdre: On raconte qu’il y a très longtemps vivait un homme très bon envers ses congénères et la nature. Le Grand Esprit, devant tant de bonté, décida à sa mort de le transformer en un arbre où tout pourrait etre utile à l’homme: l’écorce des jeunes arbres pour se tresser des vetements, les troncs pour fabriquer canoe, les tannins puissants pour teindre et peindre, … (pour en savoir un peu plus sur le cèdre et les traditions indiennes l’entourant: ici)

Une autre légende que j’aime bien explique pourquoi l’hemlock tree (l’arbre cigue ou tsuga) possède les plus petites pommes de pin de toutes les espèces: à l’aube des temps, toutes les espèces d’arbre attendaient patiemment en ligne de recevoir leur attributs sexuels, les fameuses pommes de pain. L’hemlock ne voulant pas attendre, se faufilla dans les premiers rangs, ce qui mis en fureur le Grand Esprit. Pour le punir, il lui donna alors les plus petites de tous …

Le Summer of Clayoquot, 20 ans après

Mais comme partout ailleurs, les merveilles naturelles sont menacées, en premier lieu par l’exploitation forestière, qui s’est fortement développée depuis les années 70. Il semblerait que meme si le Canada est connu pour la beauté et la richesse de ses paysages naturels, les gouvernements successifs ont avant tout considérés ce patrimoine comme une ressource à exploiter, en général de manière peu raisonnée. Les communautés indiennes (les Nuu-chah-nulth) de la région du Clayoquot Sound ont manifestées régulièrement leur mécontentement face à la surexploitation croissante de la foret (d’autant plus que cette dernière n’était pas exploitée par des compagnies indiennes mais par de grandes multinationales …).

La situation se tendit particulièrement au début des années 90 avec l’émission de permis d’exploitation de zones particulièrement fragiles. Au lieu de se cantonner à crier dans leur coin, les locaux ont fait appel à de grandes associations comme Greenpeace (originaire de la proche Vancouver) pour faire entendre leur voix de par la planète. En résulte un mois de trouble, ou des sit-ins empechent les machines de passer et ou des tree-huggers s’enchainent à des arbres de la foret. C’est le Summer of Clayoquot de 1993, qui reste encore aujourd’hui le plus grand mouvement de désobéissance civile au Canada.

Clayoquot summer en 1993

Clayoquot protest

A l’issue de ce bras de fer, le gouvernement accorde timidement des garanties et l’UNESCO confère à la région le titre de Biosphere Reserve. Tout cela reste cependant bien peu de choses: on parle aujourd’hui de raser une montagne en plein milieu de la zone pour en faire une mine de cuivre à ciel ouvert, et des tankers pourraient bientot croiser proche des cotes ouest de l’ile de Vancouver.

Moments d’éternité et petites misères

Aux moments d’éternité en solo face à la nature s’ajoutent des rencontres d’un soir ou d’une journée d’une profondeur d’autant plus inattendues, qu’elles sont rarement sollicitées.

C’est dans un café de Victoria que je rencontre Rhonda, membre d’une tribu indienne de l’Ontario. Avec elle, je discuste de la place des femmes dans les tribus du Yukon (sujet sur lequel elle prépare une thèse), de la non intégration des minorités indiennes et de l’état de non droit dans lequels elles ont vécues pendant très longtemps. Elle me parle ainsi des problèmes d’alcool, de drogues, des histoires de familles déchiréees alors que l’état envoyait les enfants dans de lointaines écoles pour leur apprendre à s’assimiler en leur faisant renier leurs traditions ancestrales. Elle me parle de sa propre histoire, lente descente dans l’alcool et la drogue, et la remontée progressive grace à sa fille et aux études qu’elles a reprises. Elle me parle aussi de la fierté qu’elle a aujourd’hui de s’affirmer comme indienne, comme de plus en plus de jeunes qui cherchent à se replonger dans leurs racines. Elle me fait rencontrer Charles Elliot, un Maitre sculpteur de totems et de canoe de la tribu Salitch, avec lequel je découvre un peu plus la richesse des coutumes et des traditions des premières nations de Colombie Britannique.

A l’hostel de Victoria, je fait la rencontre de Dave, le canadien qui a peur de voyager, mais qui a réussi à s’échapper quelques temps de Vancouver pour visiter sa fille. Derrière une histoire qui ne semble pas simple, nous parlons du Canada, de la musique, du vin français en compagnie d’un guitariste de blues à moitié sourd, qui poursuit sa “carrière” sur les trottoirs de Victoria. C’est en fin de soirée, où les yeux de Dave s’illumine: il me parle de son potager et de ses techniques de jardinage. Dans l’ancienne ville minière de Cumberland, dans un hostel complètement désert, c’est Solveig l’allemande de Freiburg qui me parle de son expérience de co-housing a Freiburg. A Tofino, c’est Luca, l’italien pizzaiolo de Toronto, avec qui je pars faire du kayak et me promener dans les forets et plages des environs.

Mais autant ces rencontres sont riches a posteriori, autant dans l’instant elles peuvent laisser un certain gout d’inachevé. Au bout de la nième incroyable personnage que l’on rencontre, la curiosité s’émousse, la fatigue de raconter encore sa propre histoire s’installe. On a bientot envie de quelque chose de plus durable, de plus pérenne, mais les impératifs du voyage prévalent. Aller de l’avant, toujours. Si en plus une mauvaise expérience vous arrive – couchsurfers indélicats, compagnon de voyage qui vous plante au dernier moment – et si le mauvais temps et la fatigue physique s’invite, le moral part en chute libre.

Une grande claque devant tant de beauté donc, mais une grande claque dans le moral aussi. Espérons qu’à Seattle, je pourrais gouter à un certain repos pour me remettre d’aplomb.

Que réserve la suite, alors que je suis déjà fatigué ?

Que réserve la suite, alors que je suis déjà fatigué ?


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